J'avais envie, ce soir, de vous raconter une histoire "romanticomique", l'histoire de deux personnes qui s'échappent, l'une à l'autre, pour mieux se retrouver, au milieu de déboires dont personne ne voudrait, mais dont beaucoup pourraient rire.
Mais cette histoire-là, je l'ai perdue. Pas vraiment perdue, non, je l'ai écrite sur un calepin pendant mes heures de transports en commun. Mais je l'ai écrite dans ma tête, et, croyez-moi, elle s'y trouve encore.
Pourtant, je n'ai pas envie de la sortir, pas maintenant.
Au lieu de celle-là, je vous parlerai plutôt de la façon dont certains franchissent des montagnes, pendant que d'autres vivent enfermés pour ne pas voir la liberté de leurs congénères, tout en risquant de temps en temps un oeil par la fenêtre pour admirer le paysage d'un air coupable...
Ils voudraient l'avoir pour horizon, cette montagne, et pourtant...
Pourtant, ils en dessinent les contours seulement en rêves secrets. Ils les caressent du regard lorsqu'ils sont seuls, ils les imaginent, les jugent inaccessibles, ne tentent même pas d'aller ne serait-ce que jusqu'à leurs bases.
Pourquoi?
Demandez-leur. Ils ne savent pas.
Et si on me le demande, je ne le sais pas non plus.
Ca doit être bien plus douillet qu'on le pense, chez eux. Ou alors ils veulent conserver la montagne juste pour leur contemplation. Peur de l'abîmer.
Peur de se casser un orteil en marchant, peut-être. Il est vrai que, chez soi, on risque si peu. Il n'y a ni mur, ni objet dangereux, ni risque d'électrocution...
Ceux qui escaladent les montagnes, sont souvent solitaires. Reliés au monde en cas de besoin de secours, mais déconnectés des réalités "sociables"; cependant, peut-être parfois ont-ils envie de se rapprocher de ces cheminées fumantes, et d'assumer leur solitude en sachant que quelqu'un pense à eux.
Escaladent-ils les montagnes car ils savent que s'ils ne le font pas, la montagne leur tombera dessus? Et ils préfèrent tenter de passer de l'autre côté, du côté où elle ne tombera pas.
Pourquoi, eux, le font?
Demandez-leur. Ils ne le savent pas non plus. Car souvent ils ont l'impression qu'ils n'ont fait que contourner l'obstacle, et que l'attraction terrestre peut très bien changer le côté duquel la montagne tombera.
Peut-être le font-ils dans l'ultime espoir de trouver le refuge quelque part, de l'autre côté, ou bien là-haut, au sommet...
Peut-être ont-ils envie de respirer l'air rafraîchissant de la pureté. Celui des sentiments sains et naturels.
Mais la montagne, elle, n'est qu'une montagne...
Elle ne pourra pas apporter autre chose que ses ressources naturelles.
L'escalade est difficile, mais pas autant que la solitude de ce milieu vierge.